
"Le bonheur est un mot plein de nostalgie dont ceux qui en parle le mieux on de la tristesse au fond des yeux".
Qu'elle est belle la photo de ce Sion-Lausanne de 1985 disponible sur la dernière page du Nouvelliste du jour.

Le sujet a été mainte fois exposé sur ce forum, mais je succombe à ma nostalgie et à mon envie de re-dire encore une fois, qu'en voyant cette image, je vois une équipe qui me rendais fier : Bonvin, Cina, Bouderbala, tous les héros de mon enfance. Une époque qui faisait l'unanimité entre le haut et le bas, où le héros local courait sur la pelouse avec "l'étranger", celui qui nous avait fait l'honneur de nous choisir. A cette époque, le mot "héros" conservait d'ailleurs tout son sens antique. Peut-on imaginer dans l'Antiquité grecque, un héros qui ne soit pas attaché à sa terre nourricière, à la Cité qui l'a vu naître et dont il défend les vertus morales et esthétiques dans les joutes sportives des jeux. De tout cela, le public valaisan le ressentait instinctivement. C'était l'honneur de notre mode de vie de ces rudes montagnes qui nous entourent, l'honneur de notre culture solaire (le pays sec et le vin blanc) qui était joué chaque samedi soir sur la pelouse au pieds de la Basilique Notre Dame et du château de Tourbillon. Une victoire contre les banquiers zurichois de GC, ou l'arrogance individualiste lémanique de Servette, était une sanction des Dieux qui nous prouvait notre bravoure et félicitait notre mode de vie.... La terre nourricière avait enfanté les héros qui nous révélait aux yeux des Dieux. Ce cortège céleste qui jamais ne nous avait abandonnés au moment le plus important, nous sanctifiant toujours d'une victoire en finale de la coupe.
Mais la mondialisation est advenue, renversant ce qu'il restait d'européen dans notre culture continentale pour lui imposer un modèle de standardisation propre à la culture économique libérale et puritaine américaine. Battue durant la deuxième guerre, prise à partie durant l'absurde conflit de la guerre froide, l'Europe a posé son genoux à terre et a suivi le mouvement qui lui a été imposé : elle est devenu libérale et a privilégié la réussite matériel de la croissance éternelle à son immense patrimoine culturelle. Et pour assurer le fin fond de cette philosophie libérale qui n'a jamais été la sienne, l'Europe a mise en place les conditions demandés d'un marché sans frontière, où les populations humaines étaient appelées au nom du progrès à devenir de plus en plus mobiles, internationalisées. Pessimiste, j'aimerai succomber à la nostalgie qui est la mienne en cette page en appelant un chat un chat. L'Europe est devenue aseptisée et standardisée comme ces pommes cirées sans aucun goût sur les étalages bien éclairées des supermarchés. Que vaut encore une culture quand elle est nivelée et indifférenciée ?
Quand les valeurs collectives, la mise en service de son individualité au nom de la terre nourricière ou de la Cité s'effondrent, il ne reste plus que le Narcissisme pour sauver l'âme humaine du vide métaphysique dans lequel elle s'est installé. Par là, il faut entendre, que pour conserver un sens à sa destinée, l'homme s'est réfugié dans l'amour propre de sa personne. La société morale est devenu société du spectacle : Facebook, téléréalité, technocratie publicitaire, 20minutes... tout a été réduit au grand spectacle de la Comédie humaine, où le "moi je" joue des coudes pour se faire une place illusoire au soleil.
Le football n'a pas été épargné par ses grands changements sociaux : ouvertures des frontières, mises en concurrence mondiales des joueurs prêts à se vendre et réduit à une simple marchandise, exacerbation du narcissisme (où pour chaque joueur le club devient un projet individuel pour mettre en avant sa propre pomme... qui en est autant de discorde) et disparition de l'esprit héroïque antique, autrement dit, raréfaction de l'amour du maillot.
Comment la petite gens du peuple peut-elle encore y trouver son compte ? On signe pour le progrès "libérale" pour finir par se retrouver avec la seule privatisation de l'électricité. On nous a menti sur la marchandise. On nous promet du spectacle pour mieux nous servir un plat insipide, sans goût, sans sel, qui ne représente plus que dalle. Disparu l'esprit antique de nos montagnes, l'hiver au soleil et le sang des reines. La pelouse ne reflète plus l'image d'Epinal, l'esprit de la religion païenne n'y est plus.
Alors oui, en voyant cette photo de 1985, à penser au FC Sion, mon coeur s'est serré d'un cran de plus.
PS : bien sûre, tout ce qui est écrit ici est un pamphlet qui relève plus de l'émotionnel que de la raison.
