Posté : 11.10.2006 12:28
Virés par Constantin, ils racontent...
FC SION Marco Schällibaum est le dix-neuvième entraîneur de l'ère Constantin. La plupart de ses prédécesseurs ont été remerciés, après un séjour souvent très court. La cohabitation est-elle possible?
BERTRAND MONNARD
07 octobre 2006
Et pourquoi Christian Constantin ne se nommerait-il pas lui-même entraîneur du FC Sion? Il n'aurait ainsi plus à licencier à tour de bras. C'est le «Blick» qui a lancé l'idée au sujet de celui qu'il baptise le «diktator». Le diktator en question préfère en sourire. «Un président-entraîneur, c'est déjà arrivé au Spartak Moscou, mais non, je ne l'envisage pas.»
Marco Schällibaum est devenu vendredi le dix-neuvième entraîneur de l'ère Constantin. Dix-huit de ses collègues se sont succédé sur le banc en huit ans de présidence (de 92 à 97, puis de 2003 à aujourd'hui) et la plupart ont été virés, faute de résultats suffisants aux yeux du président. Une sorte de record. «Ce n'est pas moi qui licencie les entraîneurs, c'est le toto mat»: tel a toujours été le leitmotiv du tout puissant président. L'originalité avec le dernier d'entre eux, Nestor Clausen, c'est qu'il a lui-même donné sa démission, une première sous Constantin, alors que l'équipe flirtait avec le sommet du foot suisse. Il a dénoncé, entre autres, les ingérences du président dans ce qu'il estimait être le domaine réservé de l'entraîneur, les rapports avec l'équipe: «Constantin a besoin d'esclaves, et je n'en serai jamais un. J'ai trop de personnalité pour travailler avec lui» a-t-il notamment accusé.
Son statut de président omnipotent, Christian Constantin l'assume totalement: «J'avais déjà eu Clausen comme joueur voilà dix ans. C'est dire que mes méthodes, il les connaissait. Si, en débarquant d'Argentine, il s'était donné pour mission de me faire changer, c'était perdu d'avance.» A ses yeux, les choses ont toujours été claires. «Dans un club, l'entraîneur est une simple pièce du puzzle, cette pièce-là, si ça ne va pas, on la change. La responsabilité dans une société anonyme comme Sion incombe au patron et le patron c'est moi. J'agis en foot comme dans les affaires. Sinon, ce serait grave.» La cohabitation entre un tel président et un entraîneur est-elle possible? Combien de temps tiendra Schällibaum, le dernier arrivé? Ses prédécesseurs, virés pour la plupart, racontent Constantin.
«Le foot, il le sent...»
Admir Smajic, engagé en 2004. Il doit arrêter six mois plus tard, suite à un grave problème de santé.
Habitant Bâle aujourd'hui, l'ex-attaquant de feu, qui avait notamment enflammé la Maladière, nourrit plusieurs projets hors du foot. «Bien sûr, Constantin veut toujours être au courant de tout, mais pas plus qu'un Pierre-André Cornu, à Yverdon, où j'ai aussi entraîné. Le foot, il connaît, il le sent, mais jamais il ne m'a dit «Mets celui-là, à tel poste». Ce qui compte, pour lui, c'est ni hier, ni demain, mais aujourd'hui. Un gagneur, un vrai, dont je garde un supersouvenir. Souvent, il me répétait «Si on ne rêve pas dans la vie, on ne réussit jamais». J'étais 100% d'accord avec lui.»
«Clausen a eu des couilles»
Michel Decastel, engagé en 1995, viré en 1996.
Depuis qu'il entraîne en Afrique, Michel Decastel a été cinq fois champion national, en Tunisie et en Côte d'Ivoire notamment. On le joint désormais à Doha, au Qatar, où il s'occupe du club Ah Ahli. Il fait 35 degrés: «Constantin? Franchement, je n'ai pas envie d'en parler. C'est donner trop d'importance à un tel personnage. Clausen a eu les couilles de lui claquer la porte au nez, je le félicite. Avec le recul, je me dis que c'est ce que j'aurais dû faire, mais à l'époque, j'avais à peine 40 ans, j'étais un tout jeune entraîneur. Avec Herr, Bonvin et Quentin notamment, on avait gagné la Coupe et fini deuxièmes du championnat en 2005. Le record de Tourbillon, avec 25 000 spectateurs contre GC, date encore de mon époque. Puis, il a suffi d'un début de saison moyen, d'un nul contre le LS qui a déplu au président, et je me suis retrouvé sur le carreau....»
«Un immense plaisir avec lui...»
Gianni Dellacasa, engagé en 2005, viré en 2005.
Ex-entraîneur de Cremonese dans le Calcio, cet Italien d'origine entraîne aujourd'hui l'AC Lugano. «Moi, j'ai eu un immense plaisir de travailler avec Constantin. Dans d'autres clubs, il y a tellement de pseudo-directeurs qui gravitent... A Sion, le seul point de référence, c'est lui et c'est tellement plus simple. Bien sûr, quand on signe à Sion, on sait comment il est; inutile, ensuite, de jouer les naïfs. Le foot, en vrai passionné, il le vit 24 h sur 24, il s'y investit totalement Il est toujours là, à écouter, à regarder. Mais, en 25 matches que j'ai passés à la tête du FC Sion, il n'a pris la parole que deux fois dans les vestiaires. Il y avait eu d'inquiétantes baisses de régime et c'était son rôle de président de provoquer un choc dans l'équipe. Jamais, en revanche, je n'ai senti chez lui la volonté de me dénigrer. Et comme le limogeage fait partie du job d'entraîneur.»
«Je lui faisais trop d'ombre...»
Gilbert Gress, engagé en 2004, viré en 2005.
En trente ans de carrière, il a été, entre autre, champion de Suisse avec Xamax et de France avec Strasbourg. Un palmarès exceptionnel et un ego qui, à long terme, pouvait difficilement cohabiter avec celui de Constantin. Gress se dit aujourd'hui «en attente», en Alsace. «Lors de mon engagement à Sion, ma femme m'avait averti «méfie-toi de lui»; et les femmes ont de l'intuition. «A mes yeux, me disait souvent Constantin, il y a trois grands entraîneurs en Europe: Cappello, Cruyff et toi.» Jamais personne ne m'a autant encensé. On se voyait trois fois par jour, on jouait aux cartes. Alors qu'est-ce qui est arrivé? Je n'ai jamais vraiment compris. Les résultats? En 18 matches à la tête de Sion, je n'en ai perdu qu'un seul en Challenge Ligue; au moment de mon licenciement, on avait six points de retard sur le premier avec un match en moins, on serait monté, j'en suis sûr. Ce qu'il n'a pas supporté, à mon avis. c'est que je lui fasse de l'ombre. Des journalistes français venaient jusqu'en Valais me voir, j'avais commenté le match France-Suisse sur la TSR. Il s'est mis à un moment à inventer tous les prétextes pour me virer. La vedette, à Sion, ça doit être lui et personne d'autre. Aujourd'hui, il peut se flatter d'avoir viré tout le monde, même Gilbert Gress, mais pas lui-même.»
«Capable de virer son meilleur ami»
Jean-Claude Richard, dit «Boubou». A assuré des intérims à la tête de la première équipe en 94, 96 et 97. Engagé en 2003, viré en 2003.
Aujourd'hui, «Boubou», connu à travers tout le Valais, entraîne les M18 à Sion. «Christian? Il veut toujours être au courant de tout. Qui va jouer, comment on va jouer? S'il perçoit le moindre relâchement dans l'équipe, il se chargera lui-même de mettre la pression sur les joueurs. Il a horreur de la défaite. Totalement impulsif, il est capable de vraiment gueuler, ce qui a frappé de nombreux nouveaux joueurs. Là, il vaut mieux laisser passer l'orage, mais il n'est pas rancunier. J'ai joué avec lui à Xamax, je le connais très bien; au fond, je l'aime bien. Mais quand les résultats ne suivent pas, il peut virer n'importe qui, même son meilleur ami. Il s'en fout».
«Il est trop impatient...»
Charly Roessli, engagé en 2003, viré en 2003.
Ce Valaisan de 45 ans a longtemps entraîné en Afrique. Formateur dans l'âme, il est aujourd'hui à la recherche d'un nouveau club. «La grande force de Constantin, c'est de faire entrer de l'argent, pour cela, il n'y a pas meilleur que lui. Mais en foot, il est trop impatient. Pour être sûr d'avoir toujours raison, il a su s'entourer de gens qui ne le contredisent jamais. A mes yeux, la partie sportive d'une équipe de foot doit être le domaine réservé de l'entraîneur: je n'ai jamais supporté d'ingérence. Moi, quand je vais chez un patron, je m'annonce d'abord à la secrétaire, puis j'attends. Christian, lui, peut entrer dans le vestiaire, à tout moment, comme chez lui. Les entraîneurs, à ses yeux, c'est comme des kleenex: il s'en sert puis il les jette.»
FC SION Marco Schällibaum est le dix-neuvième entraîneur de l'ère Constantin. La plupart de ses prédécesseurs ont été remerciés, après un séjour souvent très court. La cohabitation est-elle possible?
BERTRAND MONNARD
07 octobre 2006
Et pourquoi Christian Constantin ne se nommerait-il pas lui-même entraîneur du FC Sion? Il n'aurait ainsi plus à licencier à tour de bras. C'est le «Blick» qui a lancé l'idée au sujet de celui qu'il baptise le «diktator». Le diktator en question préfère en sourire. «Un président-entraîneur, c'est déjà arrivé au Spartak Moscou, mais non, je ne l'envisage pas.»
Marco Schällibaum est devenu vendredi le dix-neuvième entraîneur de l'ère Constantin. Dix-huit de ses collègues se sont succédé sur le banc en huit ans de présidence (de 92 à 97, puis de 2003 à aujourd'hui) et la plupart ont été virés, faute de résultats suffisants aux yeux du président. Une sorte de record. «Ce n'est pas moi qui licencie les entraîneurs, c'est le toto mat»: tel a toujours été le leitmotiv du tout puissant président. L'originalité avec le dernier d'entre eux, Nestor Clausen, c'est qu'il a lui-même donné sa démission, une première sous Constantin, alors que l'équipe flirtait avec le sommet du foot suisse. Il a dénoncé, entre autres, les ingérences du président dans ce qu'il estimait être le domaine réservé de l'entraîneur, les rapports avec l'équipe: «Constantin a besoin d'esclaves, et je n'en serai jamais un. J'ai trop de personnalité pour travailler avec lui» a-t-il notamment accusé.
Son statut de président omnipotent, Christian Constantin l'assume totalement: «J'avais déjà eu Clausen comme joueur voilà dix ans. C'est dire que mes méthodes, il les connaissait. Si, en débarquant d'Argentine, il s'était donné pour mission de me faire changer, c'était perdu d'avance.» A ses yeux, les choses ont toujours été claires. «Dans un club, l'entraîneur est une simple pièce du puzzle, cette pièce-là, si ça ne va pas, on la change. La responsabilité dans une société anonyme comme Sion incombe au patron et le patron c'est moi. J'agis en foot comme dans les affaires. Sinon, ce serait grave.» La cohabitation entre un tel président et un entraîneur est-elle possible? Combien de temps tiendra Schällibaum, le dernier arrivé? Ses prédécesseurs, virés pour la plupart, racontent Constantin.
«Le foot, il le sent...»
Admir Smajic, engagé en 2004. Il doit arrêter six mois plus tard, suite à un grave problème de santé.
Habitant Bâle aujourd'hui, l'ex-attaquant de feu, qui avait notamment enflammé la Maladière, nourrit plusieurs projets hors du foot. «Bien sûr, Constantin veut toujours être au courant de tout, mais pas plus qu'un Pierre-André Cornu, à Yverdon, où j'ai aussi entraîné. Le foot, il connaît, il le sent, mais jamais il ne m'a dit «Mets celui-là, à tel poste». Ce qui compte, pour lui, c'est ni hier, ni demain, mais aujourd'hui. Un gagneur, un vrai, dont je garde un supersouvenir. Souvent, il me répétait «Si on ne rêve pas dans la vie, on ne réussit jamais». J'étais 100% d'accord avec lui.»
«Clausen a eu des couilles»
Michel Decastel, engagé en 1995, viré en 1996.
Depuis qu'il entraîne en Afrique, Michel Decastel a été cinq fois champion national, en Tunisie et en Côte d'Ivoire notamment. On le joint désormais à Doha, au Qatar, où il s'occupe du club Ah Ahli. Il fait 35 degrés: «Constantin? Franchement, je n'ai pas envie d'en parler. C'est donner trop d'importance à un tel personnage. Clausen a eu les couilles de lui claquer la porte au nez, je le félicite. Avec le recul, je me dis que c'est ce que j'aurais dû faire, mais à l'époque, j'avais à peine 40 ans, j'étais un tout jeune entraîneur. Avec Herr, Bonvin et Quentin notamment, on avait gagné la Coupe et fini deuxièmes du championnat en 2005. Le record de Tourbillon, avec 25 000 spectateurs contre GC, date encore de mon époque. Puis, il a suffi d'un début de saison moyen, d'un nul contre le LS qui a déplu au président, et je me suis retrouvé sur le carreau....»
«Un immense plaisir avec lui...»
Gianni Dellacasa, engagé en 2005, viré en 2005.
Ex-entraîneur de Cremonese dans le Calcio, cet Italien d'origine entraîne aujourd'hui l'AC Lugano. «Moi, j'ai eu un immense plaisir de travailler avec Constantin. Dans d'autres clubs, il y a tellement de pseudo-directeurs qui gravitent... A Sion, le seul point de référence, c'est lui et c'est tellement plus simple. Bien sûr, quand on signe à Sion, on sait comment il est; inutile, ensuite, de jouer les naïfs. Le foot, en vrai passionné, il le vit 24 h sur 24, il s'y investit totalement Il est toujours là, à écouter, à regarder. Mais, en 25 matches que j'ai passés à la tête du FC Sion, il n'a pris la parole que deux fois dans les vestiaires. Il y avait eu d'inquiétantes baisses de régime et c'était son rôle de président de provoquer un choc dans l'équipe. Jamais, en revanche, je n'ai senti chez lui la volonté de me dénigrer. Et comme le limogeage fait partie du job d'entraîneur.»
«Je lui faisais trop d'ombre...»
Gilbert Gress, engagé en 2004, viré en 2005.
En trente ans de carrière, il a été, entre autre, champion de Suisse avec Xamax et de France avec Strasbourg. Un palmarès exceptionnel et un ego qui, à long terme, pouvait difficilement cohabiter avec celui de Constantin. Gress se dit aujourd'hui «en attente», en Alsace. «Lors de mon engagement à Sion, ma femme m'avait averti «méfie-toi de lui»; et les femmes ont de l'intuition. «A mes yeux, me disait souvent Constantin, il y a trois grands entraîneurs en Europe: Cappello, Cruyff et toi.» Jamais personne ne m'a autant encensé. On se voyait trois fois par jour, on jouait aux cartes. Alors qu'est-ce qui est arrivé? Je n'ai jamais vraiment compris. Les résultats? En 18 matches à la tête de Sion, je n'en ai perdu qu'un seul en Challenge Ligue; au moment de mon licenciement, on avait six points de retard sur le premier avec un match en moins, on serait monté, j'en suis sûr. Ce qu'il n'a pas supporté, à mon avis. c'est que je lui fasse de l'ombre. Des journalistes français venaient jusqu'en Valais me voir, j'avais commenté le match France-Suisse sur la TSR. Il s'est mis à un moment à inventer tous les prétextes pour me virer. La vedette, à Sion, ça doit être lui et personne d'autre. Aujourd'hui, il peut se flatter d'avoir viré tout le monde, même Gilbert Gress, mais pas lui-même.»
«Capable de virer son meilleur ami»
Jean-Claude Richard, dit «Boubou». A assuré des intérims à la tête de la première équipe en 94, 96 et 97. Engagé en 2003, viré en 2003.
Aujourd'hui, «Boubou», connu à travers tout le Valais, entraîne les M18 à Sion. «Christian? Il veut toujours être au courant de tout. Qui va jouer, comment on va jouer? S'il perçoit le moindre relâchement dans l'équipe, il se chargera lui-même de mettre la pression sur les joueurs. Il a horreur de la défaite. Totalement impulsif, il est capable de vraiment gueuler, ce qui a frappé de nombreux nouveaux joueurs. Là, il vaut mieux laisser passer l'orage, mais il n'est pas rancunier. J'ai joué avec lui à Xamax, je le connais très bien; au fond, je l'aime bien. Mais quand les résultats ne suivent pas, il peut virer n'importe qui, même son meilleur ami. Il s'en fout».
«Il est trop impatient...»
Charly Roessli, engagé en 2003, viré en 2003.
Ce Valaisan de 45 ans a longtemps entraîné en Afrique. Formateur dans l'âme, il est aujourd'hui à la recherche d'un nouveau club. «La grande force de Constantin, c'est de faire entrer de l'argent, pour cela, il n'y a pas meilleur que lui. Mais en foot, il est trop impatient. Pour être sûr d'avoir toujours raison, il a su s'entourer de gens qui ne le contredisent jamais. A mes yeux, la partie sportive d'une équipe de foot doit être le domaine réservé de l'entraîneur: je n'ai jamais supporté d'ingérence. Moi, quand je vais chez un patron, je m'annonce d'abord à la secrétaire, puis j'attends. Christian, lui, peut entrer dans le vestiaire, à tout moment, comme chez lui. Les entraîneurs, à ses yeux, c'est comme des kleenex: il s'en sert puis il les jette.»