«LA MISE À L’ÉCART M’A FAIT TRÈS MAL »
FOOTBALL Après une décennie au FC Sion, Didier Crettenand s’est fait mettre à la porte de Tourbillon comme un malpropre. Aujourd’hui Servettien, il raconte.
Didier Crettenand, si une voix vous avait soufflé le 4 novembre dernier qu’en juin vous seriez Servettien, que lui auriez-vous répondu?
Qu’elle était folle. Sion venait de gagner à Saint-Gall (3-0). J’avais marqué. Et une finale à Tourbillon pour le titre de champion d’automne se profilait contre GC. On y a malheureusement concédé le nul à cause d’options trop frileuses (1-1). Puis il y a eu cette contre-performance à YB en supériorité numérique lors de la dernière journée. Le début de la fin.
Avec un peu de recul, comment expliquez-vous la descente aux enfers du printemps sédunois?
C’est un enchaînement. Il y a d’abord ce camp en Calabre, sur terrain synthétique, qui laisse des traces. Le staff a choisi d’y faire énormément de tactique, en oubliant de travailler physiquement. Victor Muñoz choisit ensuite un système trop ambitieux par rapport au profil de l’équipe (ndlr: 4-4-2 en losange aligné très haut dans le terrain) . Ses options offensives nous mettaient en danger, ce qui a poussé certains cadres à aller lui parler.
Pour prendre le pouvoir?
Absolument pas. On souhaitait juste échanger au sujet d’options qui nous semblaient fausses. Le président a alors confié l’équipe à Gattuso, qui a voulu rebâtir sur les bases défensives de l’été. Mais, malgré beaucoup d’efforts, les résultats n’ont pas suivi.
Au point que vous vous retrouvez, à la mi-mai, parmi le groupe des «bannis». Comment vit-on une exclusion publique?
Mal. Très mal. C’est blessant d’être mis à l’écart, montré du doigt pareillement. Durant dix ans, j’ai tout donné pour le club, pour le canton. En fait, je vivais FC Sion. Alors, forcément, on se pose beaucoup de questions. Quelle faute ai-je commise? Pourquoi moi et pas le voisin?
Avez-vous reçu une explication?
Quand Decastel nous a annoncé la nouvelle, à Lafferty et moi, j’ai demandé à voir le président. Il m’a dit: «Je ne suis pas content de tes performances, je n’ai plus besoin de toi.» Je lui ai alors rétorqué que j’avais joué avec chaque entraîneur et disputais ma meilleure saison (ndlr: 34 matches, 2 buts, 5 assists) . Il m’a dit qu’il n’était pas d’accord et que je pouvais chercher un club. On s’est serré la main, et ciao.
On a du mal à comprendre que le groupe n’ait pas alors davantage soutenu les huit «bannis»?
Adailton et Margairaz ont essayé quelque chose. Un geste courageux. Puis Xavier a encore envoyé un signal fort contre GC… Mais je ne me faisais pas trop d’illusions. Le football est souvent un sport individuel, et c’est compliqué de s’opposer à Christian Constantin.
Au final, cette purge a fini de «détruire» l’équipe?
Quelque chose s’est cassé, en effet. Tout simplement parce que l’action présidentielle a visé des bon-nes personnes, en aucun cas des fouteurs de m****. Il voulait déjà préparer la saison suivante. Mais c’était très risqué de jouer l’Europe avec des jeunes sans expérience. Je reste d’ailleurs persuadé qu’avec «Rino» le FC Sion serait européen aujourd’hui.
Est-ce le plus grand gâchis que vous avez connu au FC Sion?
Bien sûr. Rappelez-vous l’été dernier. Six matches, seize points, l’effet Gattuso, un coach valaisan, Tourbillon quatre fois à guichets fermés… Aujourd’hui je suis triste de voir le club terminer au 6e rang.
Existe-t-il une seule décision qui aurait pu tout changer?
Celle qui a mené à la «démission» de Sébastien Fournier. C’est la grande erreur du président, tout le monde en est convaincu en Valais.
Un Sébastien Fournier que vous retrouvez au Servette. Quel rôle a-t-il joué dans votre transfert à Genève?
Il m’a appelé dès la fin du championnat. On a mangé ensemble, et trois jours de réflexion m’ont suffi. D’abord parce c’était Fournier, et qu’il m’a dit vouloir monter une équipe à son image. Or c’est un coach entier, qui fait vivre son groupe. Que tu sois bon ou mauvais, il te le dit en face. Un gars vrai, rare dans ce milieu. Et puis il s’agissait quand même de Servette, un club avec une histoire et 17 titres de champion. Ce prestige attire, même en Challenge League.
MATHIEU AESCHMANN, GENÈ
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