Après ce flot de commentaires souvent enflammés sur ce forum puis-je apporter mon grain de sel ?
La plupart d’entre nous n’approuvons pas la « méthode Constantin », notamment son impatience, son manque de respect envers les gens, son absence fréquente de diplomatie, ses décisions brutales, son ego démesuré, etc. mais il n’est certainement pas le monstre que certains décrivent avec la complaisance des jaloux qui se défoulent sur ceux qui réussissent. Dans un monde parfait CC n’aurait certainement pas sa place, mais combien d’entre nous y figureraient ?
Le problème avec le FC Sion c’est qu’il y a un grave dilemme : comment dans une région, certes magnifique mais périphérique, avec un bassin de population limité, peu de grands sponsors, donc un budget forcément réduit, incomparable avec ceux des grandes écuries suisses, comment maintenir une équipe compétitive en Super League ?
Deux approches sont possibles :
1) construire sur le long terme, en 2-3 ans au moins, une équipe compétitive avec de jeunes joueurs motivés, notamment issus de la formation, mais en acceptant le risque de végéter en fond de classement pendant 2-3 ans, voire d’être relégué en ChL. Le problème c’est que même avec un bon entraîneur comme Challandes qu’on laisserait travailler sur le long terme
il n’y a aucune garantie de réussite. En outre si l’on parvient à construire une équipe avec de jeunes joueurs talentueux il est évident qu’au moment où elle éclatera cette équipe sera
pillée par des clubs suisses ou étrangers avec de gros budgets. Aucun joueur (dont la carrière est courte) ne résiste à des offres mirobolantes où il peut multiplier son salaire par 5 à 10 et jouer dans un club prestigieux. Certes financièrement le club encaisserait des sommes de transfert mais il faudrait reconstruire à chaque fois et il serait impossible de se maintenir durablement dans le haut de classement.
2) bâtir une équipe selon ses possibilités financières en essayant d’attirer de grands noms, de faire des « coups » spectaculaires : El Hadary (quand même le Buffon africain et qui a amené une grande notoriété au club plus bien sûr des ennuis importants), Monterrubio (qui avant de prendre trop de kilos a été très performant), Mpenza (qu’il n’a pas été possible de retenir face à des offres extravagantes), Saborio (un grand buteur avant ses ennuis personnels et l’hostilité de certains supporters), Dinsdag (le pilier de la défense), Vanins (une chance incroyable d’avoir un tel portier chez nous), notamment.
On peut ajouter bien d’autres joueurs : un Vanczak qui n’est pas un « manche », un Ogararu qui a joué à l’Ajax, un Bühler qui s’améliore de saison en saison, un Serey Die avec sa mentalité de gagneur, un Sio ou un Yoda qui peuvent éclater, etc. Bien sûr dans l’ensemble il y a du déchet, des déceptions, des joueurs qui ne s’adaptent pas, qui ont des problèmes personnels, qui régressent, qui se laissent vivre dans la douceur valaisanne. On ne peut pas toujours tirer le gros lot mais compte tenu des possibilités financières le recrutement de ces dernières années est plutôt satisfaisant, pour le moins.
Afin d’attirer et de conserver des sponsors il faut occuper la scène médiatique et dans ce domaine CC est un expert incontestable : on parle toujours du FC Sion, en bien ou en mal, mais on en parle sans arrêt. Quel autre club en Suisse romande a une pareille visibilité médiatique indispensable pour les sponsors qui représentent l’essentiel du budget ?
Il est évidemment difficile de faire coexister harmonieusement une équipe qui change fréquemment avec des individualités venues de tous les horizons, avec des changements d’entraîneurs, de staff et surtout de maintenir une mentalité de gagneurs, une grande motivation, l’envie de se dépasser quitte à se faire mal, avoir ce « fighting spirit », cette rage de vaincre que tous les Valaisans attendent de leurs joueurs. Par conséquent trouver l’entraîneur capable de tirer le maximum de cet amalgame en très peu de temps et donc d’obtenir des résultats rapides c’est la quadrature du cercle, d’où les fréquents changements d’entraîneur !
Certes dans ce contexte on ne peut pas rêver être régulièrement dans le haut du classement et concurrencer sur la durée les grandes écuries. Il faut se contenter d’exploits ponctuels (victoires en Coupe, qualifications européennes) qui sont financièrement indispensables et qui font quand même vibrer les supporters. Dans ce domaine le bilan du FC Sion sous l’ère Constantin est quand même remarquable et fait l’envie de tous les clubs romands et même de Young Boys qui n’a rien gagné depuis des lustres.
Maintenant il faut être réaliste : est-ce qu’il y a vraiment des alternatives ? Est-ce que la majorité du public est prête à supporter le FC Sion en ChL ou qui se battrait en permanence contre la relégation (il suffit de voir le maigre public de Xamax malgré un stade flambant neuf) ? Est-ce que les sponsors suivraient ? Y aurait-il un autre président prêt à payer de sa personne dans tous les sens du terme comme CC et à financer le club à coup de millions pour assurer sa survie financière (depuis plusieurs années le club obtient sa licence du premier coup et ce n’est pas grâce à l’amabilité de la SFL) ?
On est certes déçus du départ précipité de Bernard Challandes mais celui-ci savait parfaitement où il mettait les pieds et qu’en l’absence de résultats et avec l’impatience de CC il était sur un siège éjectable. Malheureusement la mayonnaise n’a pas pris et les circonstances ne lui ont pas été favorables (absence de buteurs) mais BC a aussi commis des erreurs et n’a pas bien supporté l’intense pression du président qu’il avait probablement sous-estimée, d’ailleurs.
Il faut quand même reconnaître la lucidité de CC qui voyait que son équipe s’enfonçait et que sans changement drastique l’Europe lui échappait. Il a donc décidé d’agir avant qu’il ne soit trop tard (ce serait bien qu’il y ait un tel décideur au niveau de l’équipe suisse…) et a pris le risque de remplacer un entraîneur pourtant compétent et apprécié mais qui peut-être n’avait plus la motivation suffisante. Or si l’entraîneur n’y croit pas comment peut-il transmettre l’envie à son équipe ?
CC est conscient qu’il fait un pari, qu’il agit sur une intuition, qu’il compte sur le choc psychologique, qu’en changeant l’environnement il espère changer le comportement de son équipe mais il sait qu’il n’a aucune garantie de résultat, que son coup de poker peut rater. Seulement il le dit lui-même : s’il ne fait rien et que son équipe échoue au niveau européen il en aura toute la responsabilité, pour n’avoir pas agi. Son approche peut réussir mais s’il échoue il aura au moins tenté quelque chose. Comme dit le proverbe « le mouvement imprudent est préférable à la prudente immobilité ».
En conclusion : nous vivons dans le monde du foot-business, dans un environnement parfois désespérant mais que pouvons-nous réellement y changer ? Donc encourageons le FC Sion car il nous appartient de mériter une équipe gagnante par notre attitude constructive et soyons tous derrière notre équipe avec l’espoir de vivre à nouveau de grandes émotions.
Vive le FC Sion !
