Sion méritait une autre justice
Les Valaisans ont été privés de leurs recrues avant le match. Juste avant le coup d’envoi, la Commission de discipline a ordonné la suspension des six joueurs du FC Sion, pourtant autorisés à être alignés par une autorité civile. Avant de craquer dans les arrêts de jeu, le visiteur s’est montré plus fort que Bâle et la Ligue. Le club valaisan va déposer une plainte pénale contre le président de la SFL.
Après la décision d’un juge du Tribunal civil de Martigny, Nicolas Biner, d’autoriser les «sans-papiers» du FC Sion à exercer leur métier - en exigeant pour cela leur qualification immédiate, dans le cadre des mesures superprovisionnelles qu’il avait accordées aux plaignants -, chacun se demandait quel visage présenterait le visiteur de Tourbillon sur les bords du Rhin.
Ainsi Sion, dans un premier temps, qui durera jusqu’à moins de 20 minutes du coup d’envoi, pensait-il encore pouvoir aligner normalement ses recrues libérées la veille, avec les présences annoncées, comme prévu, de Mutsch et Feindouno sur la pelouse, et celles de Gabri et Gonçalves sur le banc (soit quatre de ses six anciens bannis). Ce que Sion ignorait, c’est qu’au même moment, la Commission de discipline de la League, présidée par Me Daniele Moro et œuvrant avec une rapidité qu’on ne lui connaissait pas, choisissait de suspendre pour un match tous les joueurs incriminés avec effet immédiat. Motif invoqué: en s’adressant à une juridiction civile, les six suspendus, condamné chacun à une amende de 200 fr. pour «insoumission», auraient prétendument violé l’art. 6, du règlement de la SFL. Une sanction notifiée dans l’urgence par l’envoi d’un simple SMS reçu à 17 h 11 par Domenicangelo Massimo, directeur général du FC Sion, et confirmée à 17 h 32 par un e-mail au team manager du FC Bâle, l’informant de l’envoi d’un fax, avec charge à lui de faire suivre à qui de droit…
Privé de ses nouvelles recrues alors que celles-ci s’étaient échauffées et avaient participé à la théorie d’avant-match, Laurent Roussey a alors dû bricoler en catastrophe une deuxième équipe, identique à celle alignée contre NE Xamax. Les remplaçants Zambrella et Crettenand ont été titularisés dans la précipitation, et la fameuse feuille de match a connu une deuxième version pendant que les joueurs du FC Bâle, déjà prêts à en découdre dans le couloir, attendaient un adversaire se faisant logiquement désirer. Il en résultera une belle gabegie administrative, le dépôt d’un nouveau protêt et un coup d’envoi retardé de près de 10 minutes. «On n’a pas eu la meilleure des préparations», glissera malicieusement Laurent Roussey, contraint de jongler avec les événements contraires.
Sion leader à la 92e minute
Dans un match échappant à toute logique, Sion allait néanmoins faire trois fois la course en tête. Témoignant d’une solidarité exemplaire, affichant une force de caractère renforcée par ce qui s’était passé pendant l’échauffement, les hommes de Roussey ont été magnifiques d’abnégation. A Bâle, où ils n’ont plus gagné depuis 2 août 1997, c’est même en tant que leader que les Valaisans allaient aborder les arrêts de jeu. Avant de craquer dans les ultimes secondes. Un coup d’assommoir cruel pour un dénouement rageant. Roussey à la volée: «On mène trois fois au score sur le terrain du champion. Le groupe a pris conscience de sa force. Je suis heureux pour l’équipe, qui connaît des moments difficiles. Pour le reste…» Les prolongations, elles, se poursuivront sur le tapis vert, jusque dans les tribunaux. En Valais, on n’a pas de mots assez durs pour fustiger l’attitude, proche de l’acharnement, de Thomas Grimm, le patron de la Ligue, que Sion accuse d’avoir délibérément faussé le verdict. «Au lieu de gérer le dossier dans l’intérêt des clubs et de la SFL, dénonce Alexandre Zen-Ruffinen, l’avocat du FC Sion, M. Grimm l’a sciemment géré dans le seul intérêt de la FIFA. Refusant tous les arbitrages qu’on lui a proposés, il a tellement mal négocié ce dossier qu’il prend aujourd’hui le risque de foutre en l’air tout le championnat. C’est une grave atteinte à la régularité de la compétition.»
Pour Christian Constantin, à qui l’on a retiré la victoire obtenue devant un tribunal civil, le comportement de la Ligue ne demeurera pas impuni. «Personne au monde n’a vécu ce que l’on nous inflige, s’insurge le boss de Tourbillon. Mais ces Messieurs ont commis l’erreur de trop. S’estimant au-dessus des lois, la Ligue a délibérément violé la décision d’un juge. Cela s’apparente à de la criminalité, qu’il faut punir. Il faut être fou pour se comporter de la sorte.» Une plainte pénale sera déposée dans les jours à venir. «Elle visera M. Grimm et tous ses sbires, annonce Christian Constantin, qui n’en restera pas là. Il faut nettoyer tout ça. Y’en a marre de se faire traiter ainsi, alors que c’est nous, les clubs, qui payons ces gens-là…»
Au rythme où les procédures vont continuer à se succéder, il nous étonnerait que les résultats de la saison en cours puissent être tous validés. Avec un championnat qui risque d’être faussé par l’incompétence de ceux qui en ont la charge.
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