coach a écrit :Luciano a écrit :Si les résultats suivent - c'est évidement tout ce que je souhaite - l'ambiance sans groupe peut au mieux atteindre celle connue lors du titre, à savoir des chants primaires spontanés et sporadiques qui peuvent s'avérer néanmoins puissants. Pour synthétiser, l’ambiance de ce week-end avec effet démultiplicateur. Pour ma part, ça reste une ambiance à laquelle je m’identifie très moyennement : dimension « Pain et des jeux » vidée de tout esprit critique, sans questionnement/mise sous pression des tenants du club, patrimoine culturel/sportif de notre Canton.
Je n'en serai pas si sûre. Pourquoi penses-tu que les "mastres" sont vides d'esprits critiques ? Quand les Valaisans ne sont pas contents de la politique du club, ils boycottent à leur manière et sans faire trop de bruit. Pour le moment, ils ne sont plus que 7'000 au stade. Il manque encore bien 3'000 mécontents. Dans les bistrots de la place, aux arrêts de bus, quand je parle aux gens, je parle à une population critique et plutôt garante du patrimoine sportif du canton. A eux tous, ils portent largement la culture FC Sion sur leurs épaules. Les ultras, à mon sens, n'ont de plus que tous ces gens-là, uniquement un certain sens de l'institution et de soumission à une sous-culture qu'à mon sens - mais cela se discute - ils privilégient souvent sur la culture local. Pour reformuler car je ne sais pas si je suis suffisamment claire, les ultras déroulent peut-être des banderoles et font parfois du bruit autour de leur mouvement pour critiquer la direction du club quand elle s'égare de ce qu'ils considèrent comme la juste voie, mais bien souvent, je trouve que c'est surtout leur propre culture ultras qu'ils privilégient sur celle locale de nos grands-pères et prolongée par ceux qu'ils nomment les mastres qu'ils considèrent parfois de haut. La culture ultra est plus globale que la culture des mastres qui elle est me semble plus justement populaire au sens de portée par le plus gros de la population. Certes, il y a là une dimension "du pain et des jeux".
Pour ma part, et pour répondre par l'extrapolation à ce que j'ai souligné de ton poste, les ultras manquent également beaucoup de sens critique vis-à-vis de leur propre sous-culture. A voir et comprendre ce qui s'est passé à Sion, je trouve qu'une bonne dose de réflexion critique permettrait peut-être de dépasser la crise. Leur code de l'honneur est par exemple parfaitement arbitraire et contingent. Et à la dimension "du pain et des jeux" des populaires, les ultras proposent à mon sens une dimension standardisée et fascisante du supporterisme. Ici le mot fascisme est à comprendre dans son abus de langage usuel, dans son sens large de tout mouvement politique ou organisation s'appuyant sur un pouvoir imposé par la force au service d'un groupe humain prétendant à l'hégémonie et aspirant à une forme de contrôle politique. Le parallèle est volontairement exagéré au vue des événements qui ont suivi la tentative de retour des Ultras, et cela dans le but de faire réagir et produire des commentaires dans ces colonnes.
A mon avis, cela est inévitable, un jour des groupes repeupleront le gradin nord si le FC Sion perdure en LNA. La culture ultra est tellement propre à la globalisation, que cela est inévitable au même titre que le McDonald (même si les deux ne se représentent pas du tout par le même système de valeurs). Penser que cela est évitable et rêver d'un gradin vierge de cette sous-culture relève de l'uthopie. En attendant leur retour, les supporters présents font ce qu'ils ont toujours fait. Supporter l'équipe à leur manière, ce qui est déjà très bien. Du pain et des jeux peut-être, mais des passionnés à leur manière sûrement.
Salut Coach,
En premier lieu je te remercie pour tes remarques pertinentes qui suscitent une vraie réflexion de fond que j’apprécie et me stimule beaucoup. Les politesses ayant été faites et les convenances respectées, rentrons dans le vif du sujet:
Concernant ta première remarque, je te rejoins lorsque tu affirmes qu’une baisse de la fréquentation au stade est un désaveu de la politique du club. Ici rien de très novateur, au contraire une lapalissade. En outre, si j’interprète correctement tes propos, tu reproches au mouvement ultra/hools de s’approprier le patrimoine du club qui servirait davantage à légitimer leur sous-culture au détriment d’une culture populaire incarnée par des mastres perçus avec condescendance, pour ne pas dire un certain mépris. Si c’est ton analyse, je la partage en partie.
1) patrimoine du club: en effet les groupes ultras/hools aspirent à se positionner comme les garants du patrimoine du Club dans la tribune “populaire” du stade alors qu’à priori chaque supporter lambda peut revendiquer ce même droit. Pourtant, dans la réalité du terrain, seuls les mouvements structurés et organisés parviennent à imposer leur point de vue et à se faire entendre (cela vaut non seulement dans une tribune de foot, mais également dans d’autres sphères : les partis politiques prétendant représenter le peuple, les syndicats les ouvriers, les associations antiracistes les victimes, etc.). A moins de proposer une nouvelle forme structurée de supporterisme à même de supplanter la mouvance ultra/hools comme porte-drapeau alternatif du GN (je ne fais évidemment pas allusion au club des 1000 et autres officines du club qui n’ont aucunement l’ambition de porter un regard critique sur sa gestion), les groupes ultras représentent le seul relai indépendant pouvant être contestataire et au bénéfice d’une certaine visibilité publique/médiatique via banderoles, tifos etc. L’effet pervers étant en effet la tentation des mouvements ultras d’instrumentaliser son rôle déclaré de « représentants de la tribune populaire » afin de servir ses propres intérêts au lieu de ceux du club. Ce risque existe en effet, mais ça Coach c’est de la Realpolitik et à nouveau tu peux le constater dans d’autres domaines (parti politique roulant pour ses intérêts et non pas ceux de ses électeurs, élites syndicales main dans la main avec les capitaines d’industrie, etc.). Pour résumer, seule une entité organisée et +/- disciplinée est à même de mieux représenter le point de vue d’une tribune populaire en se targuant de défendre les intérêts du Club, quand bien même la majorité silencieuse ne s’y identifie pas. C’est comme ça que ça marche, que ça plaise ou non.
2) les mastres : je me lance dans une tentative de définition. Par mastre, j’entends le supporter réduit à sa plus simple expression, à savoir un individu supportant aveuglement son club sans s’intéresser au delà de l’enjeu exclusivement sportif. De manière caricaturale, un individu portant tous les dérivés vestimentaires à l’effigie du FC Sion et beuglant de manière désordonnée des « hop Sion » et « arbitre tdc ». Par analogie, la plèbe de Rome se rendant aux jeux du Cirque afin de se distraire et ne pas interroger la République/Empire. Tu reproches aux mouvements ultras/hools d’être méprisant à l’égard des mastres qui, selon toi, incarneraient la culture populaire. Mais Coach, je te retourne la remarque, n’est-ce en effet pas toi qui considères ces mastres de haut en prétendant qu’ils sont le réceptacle de notre patrimoine tout comme l’étaient nos alleux ? Autrement dit, tu as une piètre opinion du terme « populaire » renvoyant à cette masse informe que sont les mastres. (Je n’ai absolument aucune sympathie à leur égard et leur bêtise ambiante et je l’assume très volontiers). Pour ma part, le terme populaire dépasse largement cette conception du supporter/mastre, et ce notamment grâce aux enjeux extra-sportifs du football. Pour citer Bill Shankly, « Le football, ce n'est pas une question de vie ou de mort. C'est bien plus important que cela » ou encore « Dans un club de football, il y a une Sainte Trinité : les joueurs, l'entraîneur et les supporters. Les présidents n'en font pas partie. Ils sont juste là pour signer les chèques ». Concrètement, si on aborde un match de foot avec l’esprit mastre, on ne peut rien comprendre des Argentine-Angleterre et la guerre des Malouines en toile fonds, du rôle exercé par les ultras des 2 principaux clubs Du Caire Al Ahly et Zamalek qui ont créé leur parti d’opposition au Gouvernement égyptien ou encore celui d’Arkan, leader des ultras de l’ER Belgrade puis à la tête de ses Tigres, paramilitaires serbes ayant sévis en ex-Yougoslavie. On pourrait encore évoquer les relations incestueuses entre le régime Poutine et les hools du Spartak, le gouvernement fasciste de Mussolini et certains mouvements de Tifosis, etc A travers ces quelques exemples non exhaustifs, on réalise que le mouvement ultra/hools a également pour vocation d’éveiller la conscience des tribunes populaires lors de tels ou tels matchs afin de transcender son rôle de plèbe. Seul le foot (voire le Hockey en Suisse) représente cette caisse de résonnance sportive allant au-delà du « Pain et des Jeux » (au Tennis, Rugby, Basket, Baseball, rien de tel à ma connaissance).
3) esprit critique des ultras/hools : sur le fond, je suis absolument d’accord que l’esprit critique est une nécessité vitale, et ce afin d’éviter tout environnement malsain et fascisant. Sur ce point, tu as parfaitement raison, et les groupes ultras sont à ce titre plus sujet à ce risque que les hools, qui eux sont indépendants ou affiliés à une firme ne recherchant pas la lumière des projecteurs (autre sujet). Concernant la crise à Sion, je ne connais pas ses tenants et aboutissants. La seule certitude que j’ai c’est que si le boycott avait été prévu par tous les groupes et qu’un de ceux-ci aie décidé unilatéralement de renouer avec ses activités, alors l’issue était inévitable et je n’y vois aucune menace fasciste ici, tout au plus une condamnation morale pour les violences physiques blablabla (cela vaut pour toute forme de coalition : lorsqu’un membre décide de faire cavalier seul, le retour de bâton est à prévoir). A nouveau, je ne suis pas affilié à un groupe, donc personnellement je m’en tape. Quant au code d’honneur, je te rejoins également, il est arbitraire et contingent. Il suffit d’observer qui est en première ligne lors de fights. Je dirai que ces codes d’honneur et leur mise en pratique dépend in fine de la qualité humaine composant ces groupes (comme dans toute organisation humaine, de l’entreprise à l’association).
4) Retour inévitable des groupes au GN : je suis mitigé. Pour l’ambiance au stade j’y suis naturellement favorable afin que le GN puisse accorder ses violons et soutenir notre club d’une seule voix. Pour ceux qui voient une démarche fascinante de suivre des capos torse nus, dites-vous simplement qu’il s’agit d’un chef d’orchestre et que ses prérogatives s’arrêtent exactement là. Je ne suis pas oracle, je n'en sais rien si les groupes vont revenir au GN et sous quelle forme. Quant à la globalisation qui serait le moteur du retour des ultras, je dirais au contraire que le mouvement ultra/hools est un épiphénomène réactionnaire identitaire opposé justement à la globalisation, mais c'est un autre sujet que j'ai déjà abordé avec toi:)
Au plaisir de te relire Coach