"Absurde, le raisonnement de Sion"
23 septembre 2011 - PROPOS RECUEILLIS PAR JERÔME REYNARD/"LA CÔTE" - Aucun commentaire
FC SIONP hilippe Rossy, avocat spécialiste en droit du sport, livre son sentiment sur le match qui oppose le club de Christian Constantin à l'UEFA de Michel Platini.
Dans l'affaire des footballeurs sédunois non qualifiés, qui oppose l'UEFA au FC Sion de Christian Constantin, ardue est la tâche de découvrir qui a raison ou tort. A la source du litige, une interprétation différente de la période d'interdiction de transferts infligée à l'encontre du club valaisan suite à l'affaire El-Hadary.
Avocat spécialiste en droit du sport, le Lausannois Philippe Rossy tente d'expliquer le fil rouge d'un feuilleton estival dans lequel les rebondissements n'ont pas manqué.
Philippe Rossy, dans l'affaire qui oppose le FC Sion à l'UEFA, on parle, pour le moment, uniquement de mesures préprovisionnelles. De quoi s'agit-il?
L'affaire est compliquée, je ne la connais d'ailleurs que par ce qu'en dit la presse. Je crois en tout cas savoir que, dans le cadre de ce litige, il y a eu successivement trois décisions dites préprovisionnelles, lesquelles sont généralement prises sans même que la partie adverse soit entendue au préalable. Ces mesures préprovisionnelles n'ont pas pour but de trancher la question de fond mais uniquement de tenter de limiter les dégâts. Il s'agit de dire quelle doit être la situation jusqu'à ce que la décision finale soit rendue.
Dans le cas du FC Sion, le juge des mesures provisionnelles doit donc trancher la question de savoir si, jusqu'à ce qu'on connaisse le sort de ce recours, il faut tenir compte de l'intérêt des joueurs à exercer leur métier, du FC Sion à employer ces joueurs ou de l'adversaire du FC Sion à ne pas être opposé à une équipe renforcée par ces joueurs peut-être de manière illégitime.
Qu'en est-il des mesures ordonnées par le Tribunal cantonal vaudois?
La première mesure préprovisionnelle vaudoise a exactement le même but que la mesure préprovisionnelle valaisanne, c'est-à-dire de limiter les dégâts, soit d'éviter qu'un dommage irréparable soit provoqué par une décision provisoire. Le problème du juge vaudois est qu'il est manifestement lié par la décision valaisanne qu'il n'a bien sûr pas le pouvoir d'annuler.
Je ne crois pas que la troisième mesure préprovisionnelle (la deuxième décision vaudoise) ait beaucoup d'importance pratique. Il va de soi que si une décision finale sur cette affaire est prise avant la fin de la poule, que par hypothèse le recours du FC Sion est admis, les matches disputés par le Celtic Glasgow devront d'une manière ou d'une autre être annulés et rejoués par le FC Sion
Cette audience provisionnelle est prévue pour mardi prochain où toutes les parties seront présentes.
Quel dénouement imaginez-vous?
Cette question, dans la mesure où elle n'est posée que par les joueurs, devrait régler le problème des footballeurs en prononçant, par exemple, leur droit de jouer, mais pas au FC Sion qui, a priori, paraît avoir commis une faute.
Ce que le FC Sion dit, à ce que j'en ai compris, c'est qu'il peut purger son interdiction de transferts sous la forme de quatre demi-périodes (au lieu de deux pleines), ce qui me paraît, c'est un euphémisme, pour le moins discutable dans la mesure où si c'était vrai, il suffirait à un club ainsi sanctionné de cumuler tous ses transferts possibles pendant la moitié de la période autorisée. La sanction serait pratiquement vidée de tout sens.
Il n'empêche que l'UEFA, qui siège à Nyon, a violé le droit national helvétique en refusant un verdict de la justice civile vaudoise.
Oui, apparemment. Une association comme l'UEFA, l'ASF ou la FIFA, sont des associations de droit suisse, donc soumises au droit helvétique. Apparemment toujours, l'UEFA n'a pas respecté la décision préprovisionnelle valaisanne puisqu'elle n'a pas autorisé les joueurs concernés à disputer ce match.
Mais je comprends l'agacement de l'UEFA, tant cette décision paraît absurde puisque, alors que ce sont les joueurs qui invoquent leur droit au travail, on ne se contente pas de faire respecter leur droit au travail en les autorisant à jouer, mais on préserve également l'intérêt du FC Sion en disant qu'ils peuvent même le faire pour le club valaisan.
Toutes ces décisions n'ont donc rien apporté de concret, si ce n'est de semer le grabuge?
C'est mon avis. Encore une fois, je comprends l'agacement de l'UEFA et le fait qu'il se pose des questions sur l'opportunité de rester en Suisse si véritablement le droit suisse aboutit à l'empêchement de disputer des compétitions qui lui paraissent conformes à la réglementation du football. Serait-ce plus simple à l'étranger? Mais encore une fois je ne suis pas sûr qu'en Suisse, les juges civils, en particulier le juge valaisan, aient véritablement pris la décision adéquate.
Au bout du litige, si le FC Sion l'emporte, imaginez-vous un cas de jurisprudence semblable à l'arrêt Bosman?
L'arrêt Bosman portait sur des questions de principe, à savoir des quotas de joueurs européens qui pouvaient être transférés d'un club à l'autre et sur la possibilité d'exiger une indemnité de transfert après la fin d'un contrat de travail. Je ne vois guère de telles questions de principe dans le cadre du FC Sion.
A votre avis, quelle sera l'issue de cette affaire?
Je considère comme absurde le raisonnement du FC Sion consistant à dire qu'il peut purger cette interdiction de deux périodes de transferts en quatre demi-périodes. Dans cette mesure, je suis à peu près convaincu, c'est vrai, qu'au final on déboutera le FC Sion car son interprétation me paraît vraiment trop facile et absurde.
En s'inclinant dans cette affaire, que risque le FC Sion?
Christian Constantin et le FC Sion pourraient alors, en plus de cette interdiction de deux périodes de transferts ainsi validée, se voir infliger une nouvelle sanction. L'ASF pourrait s'en mêler puisque l'article 7. 6 de ses statuts prévoit expressément que celui qui saisit un tribunal ordinaire s'expose à des sanctions. Le problème fondamental est qu'on accepte de respecter les règles du jeu lorsque l'on s'adonne à un sport.
Christian Constantin a déposé une plainte pénale contre Michel Platini, notamment. Que risque le président de l'UEFA?
En principe, une amende du Code pénal suisse ne peut pas dépasser 10 000 francs. On le voit, au regard de la puissance financière de l'UEFA, l'amende qui serait prononcée, quelle qu'elle soit, n'est sans doute pas l'élément qui fait le plus peur à M. Platini.
http://www.lenouvelliste.ch/fr/news/spo ... -12-351907
J'aimerais quand même entendre la version du club sur cette durée d'interdiction de transfert, car ils n’ont jamais clairement communiqué leur version des faits.