@ Mad: Toi qui es bien informé sur ces questions juridiques, que penses-tu des arguments évoqués dans cet article de carton rouge? Après la lecture de cet article l'optimisme a tendance à redescendre d'un cran...
http://www.cartonrouge.ch/fr/actualite/ ... index.html
"Reste donc à voir si le FC Sion était autorisé à aligner les six joueurs qualifiés sur la base des mesures superprovisionnelles dictées par le Tribunal de Martigny. A mon sens, il doit être répondu par la négative et ce pour quatre raisons. Premièrement, la qualification n’avait pas été obtenue de manière régulière puisque les joueurs qui ont saisi le tribunal n’étaient pas parties à la procédure devant le TAS et n’avaient donc pas ouverts la moindre action devant une juridiction reconnue par les instances dirigeantes du foot, ce qui leur déniait le droit de demander des mesures, fussent-elles superprovisionnelles, devant la justice civile. Donc, du point de vue des règlements de la juridiction sportive, celle-là même qui est acceptée et respectée par tous les participants à l’Europa League (enfin, sauf un), l’UEFA était tenue de prononcer le forfait. Deuxièmement, corollaire du premier point, Sion était également en infraction puisqu’il n’a pas respecté l’article 13b) des Statuts de la Swiss Football League ASF, selon lequel il s’engageait à ce que ses joueurs se soumettent aux statuts, règlements et décisions des autorités sportives.
Et le FC Sion dans tout ça ?
Troisièmement, seuls les joueurs étaient au bénéfice des mesures superprovisionnelles, pas le FC Sion, lequel, à partir du match contre Lucerne et donc notamment pour les matchs contre le Celtic, a aligné des joueurs engagés durant l’été 2011. Or, le FC Sion ne disposait d’aucun document, décision ou effet suspensif ni de la FIFA ni de l’UEFA ni de la SFL ni du TAS ni d’aucune juridiction civile qui le soustrayait à l’interdiction de transfert prononcée contre lui. En conséquence, n’étant pas partie à la procédure ouverte par les joueurs devant le Tribunal de district de Martigny, le club sédunois aurait dû se considérer toujours lié par la décision de la FIFA, du moins jusqu’à l’obtention d’une quelconque décision, de fond ou provisionnelle, l’y soustrayant. A défaut, on ne voit pas sur quelle base le FC Sion a pu passer outre la sanction de la FIFA.
Au surplus, il nous étonnerait fort qu’un tribunal puisse imposer la présence de joueurs sur un terrain sur la base de mesures superprovisionnelles. Sinon, cela risque fort de beaucoup intéresser les footballeurs italiens, le statut des joueurs relégués en tribunes étant l’un des objets de la grève qui a récemment secoué la Serie A. Supposons qu’à la veille d’un match décisif contre YB ou Bâle, Adeshina, Ogararu, Prijovic et Fermino déposent une demande de mesures superprovisionelles auprès d’un tribunal, sur la base de la protection du droit de la personnalité, réclamant leur présence en première équipe et non avec les M-21, au motif qu’ils ont signé un contrat professionnel et n’ont donc pas à être aligné dans un championnat amateur. Le cas échéant, je me réjouirai de voir la réaction de ce chantre de la protection des droits des joueurs qu’est Christian Constantin, j’imagine que Philippe Vercruysse ou Aleksandar Mitreski ont une idée de la réponse. Bref, à mon sens, et on verra dans mon article suivant une décision du Tribunal de district de Martigny qui semble aller dans ce sens, les mesures superprovisionnelles permettaient aux joueurs d’être qualifiés mais il revenait ensuite au FC Sion de prendre à son tour les mesures pour être autorisé à les aligner, il ne l’a pas fait.
Qui a signé les contrats ?
La quatrième raison qui me donne à penser que Sion n’avait pas le droit d’aligner Mutsch, Feindouno, Gonçalves, Gabri, Ketkeophomphone et Glarner malgré la décision du Tribunal de Martigny tient dans un principal général du droit. A part le contrat avec Mario Mutsch qui a été signé avant la décision du Tribunal fédéral désavouant le FC Sion, les autres joueurs précités ont été engagés à un moment où les Valaisans avaient en leur possession les deux jugements du TAS et du TF qui les déboutaient, la prise de position de la FIFA sur une sanction à purger à l’hiver et l’été 2011 et aucune procédure en cours avec effet suspensif. Donc, ces contrats ont été signés à un moment où le FC Sion était sous le coup d’une interdiction de transfert et les joueurs concernés ne pouvaient ignorer cet état de fait. Après, on ne sait pas si les contrats contenaient des clauses suspensives ou résolutoires et quelles assurances Christian Constantin a donné aux joueurs.
Toujours est-il que l’Empereur d’Octodure, ou du moins ses avocats, ne peut ignorer ce vieil adage du droit romain «nemo plus iuris ad alium transferre potest quam ipse habet», soit «nul ne peut transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a». Or, jusqu’à nouvel avis, Christian Constantin, en signant ces contrats, n’avait aucun moyen d’anticiper et d’assurer une décision judiciaire favorable rapide. Au mieux, il savait que la qualification prendrait quelques semaines, au pire il savait qu’il faudrait attendre la fin de l’été, voire même l’hiver, pour que les joueurs puissent être alignés. Ensuite, les joueurs vont faire valoir ces contrats, signés en toute illicéité ou du moins sans que le cocontractant ne puisse donner la moindre garantie quant à leur application, devant la justice civile. Et au final, le grand bénéficiaire de l’opération, c’est celui qui est le seul responsable de la situation dommageable, le FC Sion, qui profite de l’application forcée de contrats qu’il n’aurait jamais dû signer, pour contourner la sanction qui lui est infligée !
L’exemple du Hardturm
Si l’on prend l’exemple du stade du Hardturm, c’est comme si les promoteurs, voyant leur demande de permis de construire bloquée par les oppositions et les recours, avaient quand même signé les contrats d’entreprise avec les sociétés de construction. Une fois les ouvriers sur le chantier, ceux-ci auraient demandé des mesures provisionnelles en invoquant leur droit de travailler et le stade aurait été bâti avant même que la décision de fond sur l’autorisation de construire ne soit tombée. Bien sûr, Christian Constantin arguera qu’il a signé ces contrats pour éviter un dommage irréversible, soit de se retrouver sur un marché des transferts à sec ou même fermé au cas où le TAS lui donnerait raison. Mais pour que cette argumentation soit crédible, il aurait dû mettre tout ce qui était en son pouvoir pour accélérer la décision du TAS, cela n’a pas vraiment été le cas. Et puis les promoteurs du Hardturm auraient eux aussi pu invoquer le risque de dommage irréversible, qui s’est d’ailleurs produit puisque les recourants ont été déboutés mais trop tardivement pour que Zurich puisse bénéficier de son stade de foot de 30'000 places pour l’Euro 2008. Et pourtant, aucun juge n’aurait cautionné que lesdits promoteurs ne posent ne serait-ce que la première pierre avant que le droit au fond ne soit connu. "
"Le Juge du Tribunal de district de Martigny va devoir convertir les mesures superprovisionnelles en mesures provisionnelles. Cette décision n’aura pas d’incidence sur les épisodes précédents, notamment les forfaits qui ont été ou pourraient être prononcés, de même qu’elle ne pourra pas soustraire Sion à la sanction. La décision du juge octodurien est surtout importante si les procédures au TAS et au TC vaudois devaient s’enliser. Si le Tribunal de Martigny refuse les mesures provisionnelles, alors le FC Sion devra renoncer (temporairement en tous les cas) à aligner ses six renforts. En revanche, une décision positive permettra à Laurent Roussey de continuer à aligner Feindouno, Mutsch et compagnie, avec toujours les risques que cela conduise ultérieurement à des défaites par forfait. En l’absence de faits nouveaux et vu que la FIFA ou l’UEFA ne vont pas forcément beaucoup s’investir dans cette procédure-là, on devrait aboutir à la confirmation des mesures provisionnelles, toujours en faveur des joueurs dont la position semble plus solide que celle de leur club. "